Directive Crédit 2014/17/UE
Sébastien Duchesne, Directeur des Evaluations chez COFARIS EVALUATION répond aux questions d’un journaliste concernant la Directive Crédit 2014/17/UE.
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La directive européenne sur le crédit immobilier ne fait pas beaucoup de bruit. Pourtant, ce texte, qui devra être transposé dans les droits nationaux des pays membres, et donc en France, dans les prochaines semaines, apportent son lot de bouleversements dans l’octroi des prêts. Parmi elles, l’obligation pour les banques prêteuses de s’adresser à un expert reconnu pour faire évaluer le prix des biens d’habitation concernés par le crédit. Explications avec Sébastien Duchesne, directeur de Cofaris Evaluation, spécialiste de l’évaluation immobilière.
Sébastien Duchesne, la France, comme les autres pays de l’Union européenne doit transposer, d’ici le 21 mars prochain, la directive européenne sur le crédit hypothécaire (1). Quelle est la philosophie de ce texte ?
Sébastien Duchesne : « Son ambition est à la fois de créer un marché commun du crédit immobilier et de mettre en place les conditions d’une meilleure information et protection des consommateurs. En un mot, de »responsabiliser » la distribution des prêts destinés à financer l’achat de biens immobiliers d’habitation. Il s’agit donc d’un texte symbolique de l’après-crise des subprimes [crise qui a touché en 2007 le secteur des prêts hypothécaires risqués aux Etats-Unis, prémices de la crise mondiale de 2008, NDLR] , qui apporte des chamboulements dans l’approche factuelle de l’octroi du prêt et cherche à instaurer une relation de confiance entre banques et emprunteurs. »
Que change-t-elle, plus spécifiquement, dans votre domaine d’expertise, l’évaluation immobilière ?
S.D. : « Aujourd’hui, le banquier a évidemment un devoir de conseil envers son client. Mais en matière d’évaluation immobilière, il fait à peu près ce qu’il veut. Pour décider de l’octroi d’un prêt, il peut par exemple choisir de faire évaluer le bien en interne, ou bien solliciter un agent immobilier local. L’application de la directive mettra un frein à ces pratiques hétérogènes, en l’obligeant, quel que soit le montant du prêt demandé, à s’assurer de la qualification de l’expert indépendant chargé de vérifier que le bien visé ou utilisé pour garantir le prêt vaut bien le prix affiché. Déterminer la valeur hypothécaire et calculer le ratio »Loan to Value » [ratio de risque correspondant au rapport entre l’endettement et la valeur de marché du bien, NDLR] vont devenir indispensables pour mesurer le risque bancaire dans le cadre d’un financement. »
Comment le prêteur pourra-t-il s’assurer de la qualification de l’expert ?
S.D. : « Actuellement, l’activité d’expert en évaluation immobilière n’est pas reconnue en tant que telle par le Conseil d’Etat, et est peu réglementée. Le décret destiné à transposer la directive dans le droit français va professionnaliser le métier. L’évalueur devra alors être dûment qualifié, justifier chaque année de 20 heures de formation, s’appuyer sur des normes internationales, être affilié à une organisation professionnelle signataire de la Charte de l’expertise en évaluation immobilière et, évidemment, s’engager à respecter cette charte. Cette volonté de clarté et de sécurité va permettre de renforcer la relation de confiance, en s’appuyant sur la notion de prêt responsable. »
Ce recours systématique à un évalueur ne risque-t-il pas d’alourdir le processus de commercialisation des prêts immobiliers ?
S.D. : « Effectivement, les banques ont tendance à voir dans cette directive une énième réglementation venant compliquer l’octroi de prêt, comme les lois Scrivener et Lagarde l’ont fait par le passé. Certaines pratiques publicitaires vantant l’octroi de crédits immobiliers sur smartphone avec accord de principe immédiat ne seront plus possibles avec la nouvelle directive. Normer l’évaluation va permettre aux organismes financiers de réduire au maximum leur risque, et de délivrer une information plus transparente pour le consommateur. »
Que pensent les agents immobiliers de ces nouvelles règles ?
S.D. : « Cela ne va pas changer grand chose pour eux, dans la mesure où ils ne sont de toute façon pas autorisés à vendre leurs avis de valeurs, sauf si eux-mêmes sont experts immobiliers et qu’ils ne sont pas impliqués dans le processus de commercialisation du prêt. »
La France sera-t-elle prête à transposer cette directive dans les délais, c’est-à-dire avant le 21 mars prochain ?
S.D. : « Beaucoup n’y croient pas, mais j’ai eu la confirmation de la Commission européenne : la France sera prête, et la nouvelle réglementation entrera en vigueur pour tous les prêts contractés à compter du 1er juillet 2016. »
Quel est l’état du marché de l’évaluation immobilière en France ? Et ses acteurs pourront-ils faire face à la hausse de la demande ?
S.D. : « C’est déjà un marché très concurrentiel. Il existe 14 associations majeures d’expertise en France. On trouve d’un côté de grosses structures, le plus souvent parisiennes, qui s’adressent plutôt aux entreprises du CAC 40 ; de l’autre, des centaines d’experts indépendants. Entre les deux, il y a effectivement un marché à prendre, sur lequel se positionne Cofaris Evaluation. Nous avons pris les devants en industrialisant nos process avec un extranet performant, afin de répondre à la demande de nos clients banquiers. Couplé à un réseau national de 20 experts immobiliers agréés et certifiés, nous sommes prêts pour répondre à la demande de nos clients banquiers. »
(1) La Directive sur le crédit hypothécaire portant sur les contrats de crédit aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage résidentiel, parfois appelée MCD (pour Mortgage Credit Directive) a été adoptée le 4 février 2014. Sauf délai accordé, les Etats membres ont jusqu’au 21 mars 2016 pour la transposer dans leurs droits nationaux.
Par Vincent MIGNOT, journaliste cbanque.com